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3 Bruits des avions

Le bruit des avions et ses effets sur la santé : une étude épidémiologique préparatoire


Congres Internoise 1999 , Floride USA
Vallet Michel, INRETS-LTE
Cohen Jean-Marie, Mosnier Anne, groupe ETADAM : OPEN-ROME
Trucy D., Ministère de l'Environnement

 

 

I - Introduction

 

 

Les effets possibles du bruit d'avions sur la santé des riverains sont toujours un sujet de débat. Cet article présente les résultats d'une enquête épidémiologique préparatoire ; elle est réalisée par des médecins auprès de leurs patients, habitant autour de l'aéroport de Paris-Roissy. Cette étude de faisabilité consiste en une comparaison des maladies observées et des prescriptions médicales chez un groupe de patients exposés et chez un groupe non exposé au bruit des avions.

Les études épidémiologiques visent à mettre en évidence les effets du bruit sur la santé. Hormis l'impact du bruit sur le sommeil qui est le plus souvent à court terme, l'épidémiologie traite des éventuels effets non auditifs sur la santé, et les résultats les plus convaincants apparaissent pour les niveaux de bruit élevés, produit par le travail dans l'industrie. Le type d'impact du bruit concerne, dans la bibliographie, l'existence d'une hypertension lors des mesures de la pression sanguine. Vallet (1997) a noté que malgré les niveaux de bruit élevés, les résultats ne vont pas toujours dans le même sens.

Thompson (1996) a écrit une leçon d'épidémiologie à propos des effets non-auditifs du bruit, sur la santé. Elle a précisé le rôle des facteurs de confusion, selon les types d'études. Elle souligne le rôle de la gêne due au bruit subi pendant le travail (niveaux très forts) et des niveaux reçus dans l'environnement (bruits routiers par exemple).

"Plusieurs investigateurs ont suggéré que les effets non auditifs du bruit sont plus liés aux paramètres subjectifs du bruit qu'aux niveaux réels de bruit. Dans l'étude cas-témoin de Berlin sur le bruit de trafic, les évaluations subjectives du bruit au travail sont comparés à la médiane des niveaux de bruit mesurés pour un échantillon de population qui permet d'exprimer un taux de risque en fonction des niveaux de bruit. Le risque d'infarctus du myocarde à des niveaux de 79-99 dB Leq A et supérieur à 100 dBA sont respectivement de 2 et 3,8, après contrôle des multiples facteurs de confusion (âge, sexe, catégorie de revenu/culturel, rapport poids/taille etc.)

L'auteur après avoir rappelé que les premiers travaux d'épidémiologie concernant le bruit de l'environnement n'étaient pas de très bonne qualité, reconnaît que les études sont mieux dessinées depuis 1980. Des résultats (Babish 1998) obtenus dans les enquêtes de Caerphilly et Speedwell, ainsi que dans l'enquête témoin sont subtils ou montrent une tendance. Le risque de pathologie cardiovasculaire augmente lorsque les travailleurs sont exposés à un bruit routier important (66-70 Leq A comparés à 51-55 - et catégories 71-75/76-80 comparées à 51-60).

Les travaux épidémiologiques cas-témoin nécessitent donc d'avoir une situation de référence où le bruit est faible. Pour les personnes exposées au bruit d'avions ce type d'enquête se révèle délicat dans la mesure où le bruit d'avion se répand sur de larges surfaces autour des aéroports. Il faut donc choisir une situation contrôle, mais on ne peut adopter une situation bruyante proche d'une autoroute, par exemple, comme exposition calme !

Le bruit de l'environnement a un effet reconnu sur le sommeil et son organisation en stades. De notre point de vue la perte de sommeil peut avoir des effets indirects sur la santé. C'est ainsi que Lercher (1993) étudiant la pression sanguine ainsi que le taux de cholestérol chez la population vivant le long d'une autoroute alpine très chargée en camions, donc de jour et de nuit, montre que le facteur important de variation consiste en la fermeture des fenêtres la nuit.

 

II - Méthode

Le principe adopté est celui de la comparaison de deux groupes de personnes, aussi proches l'un de l'autre par l'ensemble des principaux paramètres socio-démographiques (âge, sexe, éducation, revenu, type d'habitat) et différent seulement par leur exposition au bruit des avions.

2.1 - Echantillon de l'enquête

On a demandé à 7 médecins d'interroger leurs patients à l'aide d'un questionnaire, mis au point à l'avance. Le coordonateur de l'étude n'a pas donné le but final de l'étude ni aux médecins ni aux malades. Les questionnaires étaient remplis pour moitié par le malade, dans la salle d'attente, et par le médecin pour l'autre moitié. Les patients décrivent l'environnement de leur logement, de leur travail, leur consommation habituelle de tabac, d'alcool, et aussi de médicaments. Les médecins indiquent le diagnostic médical effectué lors de la visite, la tension artérielle, et les médicaments prescrits. Le recrutement des médecins enquêteurs , indemnisés pour leur aide, s'est révélé assez aisé, le coordinateur était lui-même médecin. Les 7 médecins ont interrogé 628 personnes, chacun ayant reçu entre 50 et 137 personnes pendant une semaine. Le sexe des patients est réparti de façon comparable (p=0.33) parmi la clientèle des médecins investigateurs. A l'inverse la structure par âge de la clientèle n'est pas homogène selon les médecins.

2.2 - L'exposition au bruit d'avions des enquêtés

Pour choisir les médecins et donc l'exposition possible de leurs patients au bruit des avions, on a utilisé les cartes de bruit autour de l'aéroport de Paris-Roissy. Ces cartes comportent des contour de bruit, tracés par le calcul de l'indice de bruit utilisé en France, qui est l'indice psophique (I.P). Cet indice se calcule à partir de la formule simplifiée : IP = Lmax + 10 Log N - 32
Où Lmax est la moyenne des niveaux de crête, exprimée en PNdB et où N est le nombre d'avions par 24h, avec un trafic nocturne (22h-6h) multiplié par 10. Les valeurs de l'indice IP correspondent, grosso modo, aux valeurs de l'indice LDN + 20 (entre 19 et 21 points). Les personnes "exposées" sont celles qui ont consultées les médecins dont le cabinet est situé dans les zones bruyantes, à l'ouest de Roissy (275 sujets). Les personnes non exposées (374) habitent dans des communes au nord de Roissy, situées entre 15 et 25 km à la perpendiculaire de l'axe des pistes. Malgré nos efforts 39 personnes habitent une zone modérément bruyante, ni très bruyante, ni calme. Comme les médecins ont examinés principalement des patients demeurant dans une des 2 zones et qu'en plus ces groupes diffèrent par la distribution des âges il a été décidé de créer, pour l'analyse, une variable "médecin".

2.3 - Les analyses

La mise en œuvre de simples tris à plat a permis de vérifier que toutes les caractéristiques des 2 groupes exposés-non-exposés n'étaient pas très différents. Ceci a permis ensuite d'établir des comparaisons de comportement, de consommation médicale entre les groupes exposés-non-exposés. Enfin on a réalisé une analyse globale des résultats par une régression logistique. Cette méthode permet de contrôler toutes les variables autres que le bruit qui peuvent avoir une influence sur le type de manifestations relatives à la santé, que l'on veut évaluer. Pour bien comparer les niveaux de tension artérielle dans les 2 goupes exposés-non exposés il faut contrôler l'âge, le sexe, le poids des patients pour bien comprendre la consommation de médicaments pour dormir.



III - Résultats

3.1 - Comparaisons simples entre groupes exposé et non exposé

Cette analyse néglige les personnes exposées à un bruit d'avion "moyen". Une gêne est exprimée à l'encontre du bruit des avions par 35 % des patients résidant dans les zones bruyantes et 8 % dans les communes non exposées. Les patients exposés ainsi que leurs médecins estiment que les nuisances ou le stress influencent leur santé un peu plus fréquemment que les non exposés. L'inquiétude pour l'avenir est un peu plus fréquente parmi les patients exposés.

Les patients présentant des spasmes digestifs, des troubles de la sudation ou se plaignant de fatigue anormale sont bien plus fréquents dans les zones bruyantes. De façon plus objective on observe une augmentation significative de la consommation de tranquillisants dans les communes très exposées au bruit, ainsi que des médicaments à visée neuro-psychiatrique et les médicaments anti-acide et anti-ulcéreux. (OR 0,55 et 0,48). Il n'y a pas de différence de consommation pour les antalgiques ni pour les somnifères.

Curieusement les problèmes de sommeil sont un peu plus fréquents dans les communes non exposées. Ceci peut être lié aux effets d'une prescription plus fréquente de médicaments à visée neuro-psychiatrique dans les communes les plus bruyantes

La fréquence des problèmes tensionnels est un peu accrue (34 % au lieu de 31 %) chez les patients des communes bruyantes, sans que cette différence soit significative. A l'inverse il existe une augmentation significative de la prescription des arrêts de travail dans la zone bruyante (1 arrêt : 27 ¹ 17 %, 2 arrêts ou plus : 25 % ¹ 19 %).

3.2 - Autres facteurs stresseurs que le bruit

On a été conduit à contrôler l'effet de certains facteurs de stress pouvant provoquer les mêmes effets que le bruit. Les horaires de travail stressant, la mauvaise ambiance de travail, le logement jugé inconfortable ne provoquent pas de stress plus fréquents en cas d'exposition au bruit fort des avions. Les conditions de travail précaire et le chômage sont des facteurs qui ont tendance à aggraver la gêne due au bruit.

3.3 - Analyse par régression logistique

Plusieurs liens entre l'exposition au bruit des avions et l'état de santé des riverains ont été soulignés. Ils peuvent cependant être dûs à des artefacts (biais, interaction, facteurs de confusion). L'intrication des facteurs de stress et de leurs effets possibles ainsi que la complexité de l'analyse de la consommation médicale rendent nécessaires l'utilisation de méthodes statistiques mieux adaptées.

On a aussi analysé de façon détaillée 10 variables à expliquer, certaines étant des variables construites avec 20 items (manifestations psychosomatiques).

Le tableau ci-dessous récapitule les effets de l'exposition au bruit des avions sur le comportement et les consommations médicales.

Effets sur la santé

Bruit fort

modéré

Liaisons

plainte vis à vis du bruit des avions

10

12

très forte

inquiétude pour l'avenir

4,2

2,0

forte augmentation

prescription de médicaments neuro-psychiatriques

2,0

1,0

augmentation avec bruit fort

consommation de somnifères

2,1

1,1

influence selon le patient

problème de sommeil

1,7

3,7

selon le patient

hypertension artérielle

0,9

0,6

pas de liaison

 

Certains comportements sont très liés à l'âge (troubles sensionnels) ou au sexe (troubles du sommeil) ou encore à la présence d'un double vitrage (prescription d'anti-acide et anti-ulcéreux).

IV Conclusion

Les effets du bruit sont évidents en ce qui concerne la gêne et l'inquiétude pour l'avenir.

La prescription de médicaments à visée neuro-psychiatrique et la consommation de somnifères ont tendance à augmenter dans les zones les plus bruyantes. Les problèmes de sommeil, si souvent évoqués par la population sont plus nombreux dans la zone modérément bruyante.

Enfin, on ne constate pas d'augmentation de la tension artérielle avec le niveau de bruit d'avion. cette préenquette a permis de confirmer ou de repérer de nombreux facteurs qui interagissent avec le bruit des avions. On a noté surtout qu'il existe des différences importantes de prescription de médicaments selon les médecins ; ce facteur de variation pourrait être contrôlé lors d'une étude avec de nombreux médecins. Compte tenu de nos résultats, qui viennent s'ajouter à ceux des travaux précédents, la réalisation d'une vaste enquête européenne permettrait de confirmer l'intérêt d'une bonne gestion aéroportuaire.


Références

Babisch W. : Epidemiological studies of cardiovascular effects of traffic noise. Noise Effects 98 Proceedings, vol. 1, 221-229.

Lercher P., Koefler W. : Adaptative behavior to road traffic noise blood pressure and cholesterol, in Proceedings "Noise &Man 1993, actes INRETS n°34 vol. 3465-468.

Thompson S. : Non Auditory health effects of noise : updated review, Proceedings InterNoise 1996 vol. 4, 2177-2182.

Vallet M. : Noise as a human stressor. Proceedings InterNoise Budapest. Vol. 1, 17-26. Acknowledgment : unité INSERM 88






 


Date de création : 30/09/2011 - 16:15
Dernière modification : 16/11/2016 - 22:37
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